Traduction de l’article publié en langue anglaise le 16 janvier 2020, « Meet The Autism Parents »
Se faire des amis en traquant des monstres
Par Quinn Dexter, de Autistamatic
Lorsque quelqu’un de la communauté des autistes rencontre un parent dont l’enfant vient de recevoir son diagnostic d’autisme, il s’agit d’un point critique. Il n’est pas nécessaire d’être autiste pour avoir à cœur les intérêts des autistes. Le fait d’être autiste ne le garantit pas non plus.
Il existe des gens effrayants qui déclenchent des frissons à tous ceux qui luttent pour l’égalité des autistes. Nous devons distinguer nos amis et alliés potentiels, d’une part, des monstres, d’autre part.
Les monstres sont partout sur l’Internet, et la prolifération des financements pour l’ABA manifeste que certains d’entre eux émettent des clameurs puissantes qui influencent la politique gouvernementale. Une partie d’entre eux se nichent au cœur de certaines organisations caritatives et fondations pour l’autisme, ce qui rend la lutte pour le traitement équitable des autistes encore plus pressant.
Les voix de milliers d’advocates [tribuns] plus des millions d’autistes et de nos alliés sont unies contre ces pourvoyeurs de fausseté, ces colporteurs de poudre de perlimpinpin et ces assoiffés de gloire. Nous dénonçons à juste titre l’emploi par ces monstres de régimes restrictifs et de produits toxiques pour, prétendument, curer de l’incurable leurs enfants.
D’innombrables échanges et médias détaillent les dangers de l’ABA dans l’espoir de limiter les dégâts causés et d’aider les parents à trouver un meilleur moyen de comprendre l’autisme. Nous passons chacun des heures chaque semaine, chaque jour, tendant à éliminer ces dangers et en diffusant le message positif qu’il n’y a pas lieu d’avoir peur de l’autisme.
Une montagne
C’est une ascension de montagne parfois très difficile. On peut avoir l’impression qu’à chaque fois qu’un malfaisant est réduit au silence, deux autres surgissent. Certains d’entre nous tombent au bord du chemin, épuisés et émotionnellement vidés par des assauts sans fin, mais nous nous traînons presque toujours dans la mêlée pour nous battre un autre jour.
Nous avons trop de choses en jeu pour abandonner, que ce soit notre propre vie, celle des personnes qui nous importent, ou un profond sens de lien et de devoir envers tous les autistes dans le monde. Lentement, mais sûrement, nous progressons, mais le but est loin d’être en vue…
En tant que Traqueurs de Monstres, nous recherchons ceux qui abusent de leurs enfants autistes et des autistes adultes également. Comme des Van Helsing des temps modernes, nous plongeons dans la face cachée de l’Internet, en délogeant les vampires qui se repaissent de leurs enfants pour la notoriété, pour inspirer la sympathie ou pour le profit — et qui se prennent pour des héros.
Voici Johnny…
« Regardez mon Johnny, un génie Asperger de super-haut fonctionnement. Il a un emploi à temps partiel dans une usine d’emballage de poisson et une fille lui a dit qu’il était gentil l’autre jour. Peut-être qu’ils vont se marier ? Quel parent formidable je suis pour avoir fait de sa vie un tel succès. Ça a été si dur de le mener si loin. Je suis un militant autisme ! », clament-ils, tandis que d’autres monstres en sont fans en un blottissement masturbatoire d’auto-congratulation.
Il est absolument légitime que nous défiions ces gens. Non seulement ils nuisent à leur progéniture autiste, mais ils nuisent aussi à toute notre communauté. Johnny grâce à l’ingérence de ses parents est peut-être passé à côté de la carrière à laquelle son « génie » le prédisposait.
Le fait qu’ils continuent à dépeindre l’autisme comme rien d’autre qu’une tragédie parentale et un adversaire à combattre contrecarre tous les efforts que nous, les autistes, et nos amis, mettons en œuvre pour faire avancer l’acceptation et l’égalité si vitales à notre dignité humaine.
Les parents autisme peuvent être des monstres ou nos plus proches alliés
Mais qu’est-ce qui produit des monstres à propos de l’autisme ?
Est-ce la peur ? Des parents peuvent craindre que leur enfant se voie refuser des opportunités dans la vie, alors ils cherchent à faire disparaître le facteur qu’ils regardent comme bloquant sa progression : son autisme. Ils veulent que celui-ci soit guéri ou atténué. Ils cherchent la solution rapide, la solution longue, la solution temporaire ou permanente — n’importe quoi pouvant donner à leur petit Johnny une meilleure chance de mener la vie qu’ils veulent pour lui.
Nous nous rendons disponibles pour eux en tant qu’adultes autistes avec l’expérience cumulée de nous-mêmes et des nombreux autres qui ont appris des erreurs commises par nos propres familles. Nous essayons de leur offrir une meilleure voie. Nous pourrions les détourner des fausses promesses et du scénario de la tragédie.
Il y a de l’espoir s’ils apprennent de ce que nous savons. S’ils collaborent avec nous, ils pourraient éviter de faire du mal à Johnny. Travailler avec nous pour nourrir ses capacités, au lieu de lutter pour le modifier, peut lui permettre de se développer et vivre la vie qu’ils veulent lui donner. Nous proposons de transmettre ce que nous avons appris par des essais et des erreurs douloureuses, comment être plus heureux et tirer le meilleur de notre vie, souvent en dépit de l’« aide » que nos propres familles, écoles et médecins prétendaient offrir.
Pourquoi certains d’entre eux nous le renvoient en plein visage ?
Pourquoi nous attaquent-ils et nous sapent-ils ? Qu’espèrent-ils accomplir en remettant en question nos évaluations, en pratiquant le doxxing contre nous, en émettant de fausses plaintes visant nos sites web ou dans les médias et en proférant d’agressives mais fantaisistes menaces juridiques ?
La peur qu’éprouve le monstre provient de recoins ténébreux. Ceux qui cherchent à saper les advocates des autistes, les militants et nos alliés sont des sectaires, purement et simplement. Leur peur de ce qui est inhabituel les motive plus que leur souhait d’une vie meilleure pour Johnny.
Ils préféreraient qu’il soit un siffleur de bières spectateur de sports emballeur de poisson à temps partiel avec des amis superficiels et une femme malheureuse, plutôt qu’un universitaire avec peut-être un ou deux amis et qu’il lui faille des années pour s’entendre avec quelqu’un suffisamment bien pour envisager le mariage. Ils veulent ce qu’ils considèrent comme « normal », et toute déviation de la voie qu’ils ont eux-mêmes suivie doit être combattue à n’importe quel prix.
Comme des sectaires, ils établissent leur repaire en des chambres d’écho caverneuses, salivant et pépiant. Se tapant mutuellement dans le dos pour chaque intervention qui empêche Johnny d’exprimer ses particularités. Il n’est pas un hasard que beaucoup de ces parents se trouvent également exprimer d’autres vues intolérantes : des opinions sur la race, la religion, la sexualité, le genre — en fait, tout ce qui s’écarte de leur vue étroite du correct et de l’incorrect, du bon ou du mauvais.
Alien
Pour eux la notion d’« adulte autiste accompli » est complétement étrangère, une contradiction, car être autiste est en soi un ratage à leurs yeux. Il n’y a aucun risque de “gober” qu’ils puissent contrôler leur « génie à super-haut-fonctionnement ». Encore moins qu’il puisse être un enfant banal avec des difficultés sociales et sensorielles, et que le catalogage « de haut fonctionnement » sur lequel ils se sont focalisés ne se traduise pas par « génie ».
Ils ne sont cependant qu’une sorte de monstres. Nous n’avons pas même encore mentionné ceux qui se ravitaillent chez les fétichistes de catastrophes, ni les voyeurs par vidéo. Ni ceux qui dénigrent et humilient, ni les anti-vaxxers, ni les excavateurs de selles, et autres.
Nous n’avons aucun moyen de toucher les monstres. Aucune parole judicieuse, aucune démonstration, aucune statistique ou papier scientifique ne peut jamais leur faire surmonter leur révulsion fondamentale face à nos particularités. Ils sont une cause perdue pour nous. Nous ne pouvons que nous efforcer d’éviter d’augmenter leur nombre.
En 1000 mots, j’ai décrit les personnes que nous sommes unis pour combattre, et vous vous demandez peut-être, pourquoi ? Évidemment ceux d’entre nous qui sont plongés dans la lutte pour l’égalité et le soutien des autistes savent exactement qui sont nos adversaires ? Nous pouvons les repérer à un kilomètre à la ronde.
Y pourrions-nous quelque chose ?
Je ne suis pas le seul à côtoyer des parents qui ont été sottement épouvantés lorsque leur enfant a été diagnostiqué autiste. Ils ne savaient rien à propos de l’autisme avant le diagnostic, et tout ce qu’on leur a dit les a terrifiés. Libres de toute idée préconçue mais pleins de doute, ils savent qu’il n’y a pas de remède — mais ils veulent que leur Johnny ait les meilleures chances dans la vie.
Lorsqu’ils viennent sur l’Internet pour y voir plus clair, des parents parlent le langage des médecins et des brochures sur l’autisme qui leur ont été remises. Ils diront « Syndrome d’Asperger » mais leur voix sera couverte par quelqu’un qui leur pointera les évolutions du DSM et le passé peu recommandable allégué de Hans Asperger.
Alors ils essayent « Trouble du spectre de l’autisme » et quelqu’un d’autre les informe hargneusement que ce n’est pas un trouble, c’est une condition. Peut-être leur rétorque-t-on qu’ils ne devraient pas qualifier l’autisme du tout de handicap. Demander des conseils sur l’ABA, que le dossier de bienvenue recommande, rencontre un mur de résistance — non seulement à l’ABA elle-même, mais aussi à l’organisation caritative qui, selon eux, les aide.
Ils viennent sur l’Internet après avoir été gavés de force en désinformation et en un jargon qui n’est d’aucun secours. Ils avaient l’esprit ouvert, prêts à apprendre de ceux d’entre nous qui ont traversé tout cela. Mais ils se sont brûlé les doigts car ils ont mentionné les mauvaises choses aux mauvaises personnes.
Si nous leur répondons par des reproches et de la dérision, est-il étonnant que de nombreux parents se retirent de la communauté des autistes sur l’Internet ? Est-il surprenant qu’ils aient battu en retraite au lieu de s’engager avec des adultes autistes ? Est-il inattendu que lorsqu’ils rencontrent l’un d’entre nous qui semble aimable et tolérant, ils pensent qu’il s’agit d’une exception à la règle ?
Pas tout ce qui ressemble à un monstre EST un monstre. Il serait bon que nous nous en souvenions parfois.
L’histoire continue…
La vidéo ci-dessous [en langue anglaise] développe ce thème et examine comment nous pouvons améliorer le premier contact. Elle explique pourquoi il est compréhensible que les autistes fassent parfois des erreurs lorsqu’ils rencontrent des parents qui viennent de découvrir l’autisme. Y sont davantage explorées les difficultés qu’éprouvent les parents à saisir le sujet de l’autisme et à répondre aux attentes de la culture autiste.
Prenez le temps de visionner et de partager avec vos amis autistes et avec les parents qui viennent de découvrir l’autisme. Peut-être aussi avec ceux qui ne sont pas des monstres mais qui se méfient des adultes autistes. Avec un peu de chance les deux parties peuvent apprendre à se comprendre un peu mieux et à prendre un départ plus fructueux…
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Auteur de l’article original en langue anglaise :
Autistamatic
Quinn est l’un des anciens de l’autisme. Diagnostiqué dans les années 1980, avant que la plupart des gens ne sachent quoi que ce soit sur l’autisme, y compris lui-même, son parcours depuis lors a été celui de l’apprentissage, de l’acceptation et du développement. Aujourd’hui, il fait son possible pour aider d’autres personnes sur le même chemin, dans l’espoir que nous verrons bientôt une génération pour laquelle être autiste n’aura rien d’extraordinaire.
Quinn est marié, dirige et développe le blog et la chaîne vidéo Autistamatic, et possède un chat à très larges pattes.
Pour des vidéos et plus d’informations sur l’autisme et la vie autiste,
consulter le site (en langue anglaise)