Qui fait valoir les « advocates » ?

Advocates de la communauté des autistes

Traduction de l’article publié en langue anglaise le 11 février 2020, « Who Advocates for the Advocates? »

« Advocate » en langue anglaise, mot-notion sans équivalent courant en langue française ; traduction épistémologique « tribun » en langue française, cf. B.3. in Cnrtl.fr/definition/TRIBUN : « qui se fait (le) défenseur actif et vibrant d’une cause, d’une idée » — et I.A.4.c) in Cnrtl.fr/definition/TRIBUNE : « emplacement, moment, réservé à l’expression libre et publique, écrite (rubrique de journal) ou orale (débat, lors d’une émission audio-visuelle), d’idées, d’opinions laissées à la responsabilité de ceux qui les émettent. Tribune libre ; tribune des lecteurs ; organiser une tribune » (Centre national de ressources textuelles et lexicales, France).


Qu’attendons-nous des advocates pour la communauté des autistes ?

Par Quinn Dexter, de Autistamatic

Plus d’une fois, j’ai vu des advocates [tribuns] de la communauté des autistes être attaqués. Parfois, cela est parfaitement approprié, comme lorsqu’un advocate, en toute bonne foi, fait des déclarations inexactes ou trompeuses.

Il est logique que nous soyons corrigés et orientés dans la bonne direction pour actualiser notre compréhension. Plus notre champ d’expression est large, plus il est important pour nous de faire preuve d’humilité lorsqu’on nous montre que nous sommes dans l’erreur.

Dans d’autres cas, cela est inapproprié et même malveillant. Nous entendons des protestations « Vous ne parlez pas pour moi ! », des comparaisons paradoxales avec d’autres autistes et même des accusations bizarres de personnes simulant leur autisme pour être « à la mode ». Les agresseurs peuvent alors pontifier sur l’ignorance de l’advocate, mais c’est peut-être leur compréhension qui est incomplète ou déformée.

Entre les deux, il y a les pinailleurs qui ergotent sur les nuances de grammaire ou de sens. Ils s’accrochent comme un arapède à un aspect de l’expression de l’advocate et refusent de lâcher prise. Tout en se défendant, le mis en cause perd du temps et de l’énergie à riposter, qui pourraient être mieux utilisés au bénéfice de la communauté.

Un malentendu ?

Peut-être y a-t-il un malentendu sur ce que nous attendons réellement de nos advocates.

La communauté des autistes utilise ce terme pour qualifier les personnes qui cherchent de manière constructive à éduquer à propos de l’autisme et de la vie des autistes. Ils s’efforcent d’améliorer la compréhension du public et de favoriser un avenir plus optimiste pour les personnes autistes.

Un « advocate de l’autisme » est généralement autiste, bien que cela puisse qualifier un allié non-autiste luttant pour la même cause. L’adjectif « autiste » qualifie le plus souvent l’advocate lui-même, mais il peut qualifier la cause pour laquelle l’advocate œuvre.

Ceux qui méritent la qualification d’advocate pour les autistes rédigent souvent des blogs, réalisent des vidéos, donnent des conférences ou sont actifs sur les médias sociaux. Ils peuvent également s’engager dans diverses activités hors ligne dans le même but que leur travail élaboratif en ligne.

Les publications sur les médias sociaux peuvent d’ailleurs suffire pour que les gens considèrent quelqu’un comme un advocate. Le message compte plus que le média choisi pour le transmettre. Tant qu’ils élargissent la compréhension et cultivent l’objectif commun d’acceptation des autistes, ils sont advocates de la communauté des autistes.

Si rien n’empêche quelqu’un de se qualifier directement soi-même d’advocate, ce qualificatif n’en reste pas moins un qualificatif qui se mérite. On n’est pas un advocate d’une communauté sans être reconnu par ceux qui la composent. Si les intéressés ont l’impression que vous ne parlez pas pour eux, vous n’obtiendrez pas de soutiens ou d’abonnés — et vos paroles tomberont dans le vide.

Le seul rôle d’un advocate d’une communauté est de faire valoir les meilleurs intérêts des autres et de communiquer ces intérêts, et même de discuter avec ceux qui ont la capacité de faire changer les choses. Ce potentiel existe dans les plus hautes sphères du pouvoir et dans le cœur et l’esprit des gens banals, et un véritable advocate de communauté saisira toutes les occasions qui se présentent pour exercer une influence positive à tous les niveaux.

Privilège

Il ne fait aucun doute qu’il y a une certaine acquisition de privilège ou d’avantage social dans ce rôle, mais ce n’est rien comparé à la responsabilité de veiller à ce que la communauté soit présentée de manière appropriée et précise.

La visibilité des advocates les expose à un risque qui va au-delà de l’atteinte à leur réputation. Certains ont été menacés physiquement, et pas seulement par ceux qui se trouvent de l’autre côté dans le débat, mais aussi par ceux à l’intérieur même de la communauté.

Les personnes mécontentes, les scissions de factions et les agitateurs intentionnels peuvent tous constituer une menace pour le succès et le bien-être d’un advocate. Si l’on ajoute à cela l’immense quantité de travail qu’implique une pratique d’advocate et le fait que la plupart — sinon la totalité — des heures consacrées à cette tâche sont sans rémunération ni bénéfice personnel d’aucune sorte, il devient évident qu’il s’agit d’un rôle que personne ne devrait envisager à moins d’être réellement disposé à donner de sa personne au bénéfice des autres.

Il existe cependant une autre version du qualificatif « advocate/avocat » [double sens du terme en anglais advocate : tribun/avocat]. Nous utilisons ce terme constamment pour qualifier les personnes qui représentent les intérêts des individus [les avocats]. Dans ce cas lors de la représentation de quelqu’un, il s’agit d’obligation de défendre le point de vue de la personne concernée, même si nous ne sommes pas d’accord avec elle.

Avocats personnels

Les avocats de la défense légale sont un excellent exemple d’avocat personnel. Nous sommes tous conscients de leur obligation professionnelle de défendre les intérêts de leurs clients au mieux de leurs capacités. Leurs opinions personnelles ne sont pas pertinentes pour leur tâche. Il ne fait aucun doute que beaucoup d’avocats défendent des personnes qu’ils savent coupables. Les avocats de la défense tentent de prouver l’innocence de leurs clients, y compris lorsqu’ils sont certains à 100% de leur culpabilité.

Pour défendre une personne sur le plan individuel, il faut faire abstraction de ses propres opinions, préjugés et idées préconçues, et s’approprier les motivations du client et les résultats qu’il souhaite. Même si un avocat estime que son client est un monstre méritant la peine la plus sévère, il doit mettre ceci de côté et le représenter en se présentant comme certain de son innocence et de l’absolue nécessité de faire preuve de clémence en cas de condamnation. S’il ne pratique pas cela, ses services sont alors sans valeur pour ses clients.

Les advocates de communauté

Effectuer une pratique d’advocate pour un groupe ou une communauté n’est guère différent. Si l’on fait valoir un groupe marginalisé, il faut toujours avoir à cœur les intérêts de ce groupe. Les opinions personnelles comptent, mais pour faire valoir une communauté, il faut présenter le point de vue ou le résultat souhaité par la majorité.

Les individus peuvent ne pas partager les mêmes opinions sur tous les sujets, mais le point de vue de la majorité dicte la voie à suivre par l’advocate. Si la majorité du groupe est favorable à la voie A, l’advocate doit chercher à suivre la voie A pour promouvoir les intérêts les plus répandus.

S’il fait valoir la voie B de la minorité, alors la nature de sa pratique d’advocate change. Il ne ferait alors plus valoir le groupe plus large qui suit la voie A, mais un groupe distinct qui favorise plutôt la voie B. De nombreuses méthodes et résultats souhaités peuvent coïncider, mais si les différences d’opinion sont trop fortes, des schismes surgissent inévitablement.

Les gens ont sévèrement critiqué certains advocates des autistes pour avoir exprimé des points de vue controversés. Cela est approprié lorsque le point de vue en discussion contredit le point de vue majoritaire. Si l’advocate souhaite représenter la communauté, le point de vue de la majorité doit prévaloir car le rôle de l’advocate est de promouvoir les meilleurs résultats pour le plus grand nombre possible de membres de la communauté.

Opinions personnelles

Les advocates ont tout-à-fait la possibilité d’exprimer leurs opinions personnelles et de ne pas être d’accord s’ils le souhaitent. Ils doivent être clairs sur le fait qu’il s’agit de leur propre opinion et ne pas promouvoir celle-ci comme si elle faisait valoir l’ensemble du groupe. Ils peuvent également choisir de mettre fin à la discussion si l’autre partie se conduit de manière inappropriée. Toutefois, ils doivent être certains que lorsqu’ils font valoir le groupe, ils le font du point de vue de la majorité.

Les advocates doivent également garder à l’esprit que le fait de discuter ouvertement d’opinions qui contredisent le point de vue de la majorité qu’ils font valoir peut avoir un impact négatif sur leur crédibilité. Ils doivent procéder avec prudence. Un homme politique de l’opposition qui exprime son admiration pour le parti au pouvoir ou son chef peut perdre le soutien tant au sein de son parti que de sa circonscription, quelle que soit la valeur objective de ses opinions.

Les advocates d’un groupe doivent être réceptifs à d’autres points de vue quand ils leur sont proposés. S’ils sont raisonnables, une discussion ouverte peut alors avoir lieu. Celle-ci peut s’avérer suffisamment constructive pour modifier à long terme le point de vue de la majorité.

Si la majorité est étroite, l’advocate pourrait à juste titre examiner si les deux points de vue méritent d’être exprimés dans son travail. Toutefois, sa contrainte tacite reste de communiquer les idéaux de la plus grande partie de la communauté qu’il fait valoir avant tout.

Il n’y a pas deux personnes identiques, qu’elles soient autistes ou non, et les différences d’opinion sont donc inévitables.

Engagement

Les advocates autistes n’ont aucune obligation de faire valoir tous les points de vue qui se présentent au sein de leur communauté. Leur rôle est de présenter le point de vue le plus large qui réunit le plus de personnes. Il est cependant dans l’intérêt de l’advocate d’envisager d’autres points de vue et de discuter de ceux qui présentent un mérite.

Les advocates ne sont cependant pas tenus de se plier à des agressions, des propos incendiaires ou du chantage qu’ils peuvent subir s’ils ne font pas valoir tous les sous-groupes. Si une minorité significative s’oppose fortement, il n’est pas inapproprié de demander à un advocate de le mentionner. Il pourrait en intégrer la mention plus largement dans le débat. Mais insister pour que les advocates le fassent, ou les critiquer pour avoir fait valoir l’intérêt de la majorité, n’est un droit ou un privilège pour personne.

Nous élisons sur des opinions en un seul jour et pour quatre ou cinq ans les politiciens. Ceux-ci se donnent beaucoup de mal pour influencer l’orientation et le poids de l’opinion publique ces jours-là. Une fois élus, leur mandat est presque garanti pour une période déterminée.

Compte tenu des systèmes politiques actuels, ces politiciens élus ne représentent que rarement les opinions de la majorité, ni même celles des seuls votants. Ils ne doivent y faire face que périodiquement. Alors que les advocates sont confrontés à ce même poids de l’opinion tous les jours.

Les gens peuvent se désabonner ou nous suivre en appuyant sur un bouton, ce qui pour eux fait taire notre voix. Ce que nous faisons pour contribuer au bien de la communauté doit avoir plus que de la valeur pour ceux qui la composent. Et doit également être crédible et raisonnable pour ceux de l’extérieur dont nous cherchons à modifier les opinions.

Minorité contre communauté

Lorsque nous critiquons un advocate des autistes en ligne parce qu’il ne représente pas les opinions minoritaires, c’est que nous comprenons mal son rôle dans le débat général. Certains défendent les intérêts de personnes autistes individuelles lorsqu’elles ont affaire à la loi, aux agences gouvernementales et aux prestataires de soins de santé. D’autres font valoir publiquement les intérêts plus larges de la population autiste. Nous sommes très peu nombreux à avoir le temps, l’énergie et les compétences nécessaires pour faire les deux efficacement.

Pour faire valoir une communauté, nous DEVONS présenter le point de vue de la majorité afin d’obtenir un maximum d’effets bénéfiques, même si nous sommes partiellement en désaccord. L’advocate de communauté fait valoir le groupe positivement même comme l’avocat défend un client qu’il sait coupable. Lorsque nous assumons le rôle d’« advocate des autistes », notre démarche doit refléter les méthodes et les résultats souhaités par le plus grand nombre de la population autiste.

Si nous choisissons de présenter notre propre point de vue contraire, nous ne devons pas prétendre que celui-ci fait valoir la communauté au sens large. Nous devrions alors nous désigner par quelque chose de plus précisément descriptif que « advocate » et nous distinguer de ceux qui le sont.

La pratique d’advocate pour les autistes, fondée sur l’opinion majoritaire de communauté, a déjà contribué à faire évoluer la situation sociale en notre faveur. Des progrès ont été réalisés même si le chemin qu’il nous reste à parcourir est long. Par tous les moyens, ayez des discussions respectueuses avec les nombreux advocates qui donnent de leur temps pour notre communauté, quelles que soient vos opinions.

Il se présente toujours des discussions inconfortables sur le chemin du changement. La plupart écouteront si ces discussions sont menées avec amabilité et patience. Cependant, n’attendez pas de quiconque disposant d’une plate-forme, qu’il transmette vos idées si elles n’ont pas de mérite ou si elles réduisent les avantages potentiels pour la majorité.

Exprimez ce que vous avez à dire

Si vous estimez que vous avez quelque chose à exprimer, que les gens devraient savoir, alors dites-le. Vous avez les moyens à votre disposition, tout comme n’importe quel advocate, pour exprimer ce que vous avez à dire et être entendu. Soyez simplement certain que, si vous prétendez faire valoir les intérêts d’un groupe particulier, qu’il s’agisse de population autiste ou de tout autre groupe, vous êtes une voix pour cette communauté, et que votre voix la reflète aussi fidèlement que possible.

Les advocates ne créent pas de projet programmatique, ils sont des intermédiaires pour les besoins existants et en évolution de la communauté. En tant que voix d’une communauté, nous avons la responsabilité inhérente de nous assurer que nos propos reflètent la véracité la plus complète possible. Cette vérité consiste à présenter les souhaits et les espoirs du plus grand nombre de personnes de cette communauté. Chaque point de vue sur un sujet donné mérite d’être entendu. Chacun a la légitimité que son point de vue soit présenté, mais un seul point de vue peut faire valoir une majorité qui le manifeste.


Auteur de l’article original en langue anglaise :
Autistamatic

Autistamatic Quinn Dexter Profile PictureQuinn est l’un des anciens de l’autisme. Diagnostiqué dans les années 1980, avant que la plupart des gens ne sachent quoi que ce soit sur l’autisme, y compris lui-même, son parcours depuis lors a été celui de l’apprentissage, de l’acceptation et du développement. Aujourd’hui, il fait son possible pour aider d’autres personnes sur le même chemin, dans l’espoir que nous verrons bientôt une génération pour laquelle être autiste n’aura rien d’extraordinaire.
Quinn est marié, dirige et développe le blog et la chaîne vidéo Autistamatic, et possède un chat à très larges pattes.

Pour des vidéos et plus d’informations sur l’autisme et la vie autiste, consulter le site (en langue anglaise)

Autistamatic Website Link


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